Au Port du Havre, l’esprit explorateur règne. En 2018, le port se regroupe avec trois industriels majeurs - Nokia, Siemens et EDF - et la communauté urbaine du Havre en un collectif, le 5G Lab. Ensemble, ils défrichent et étudient les usages possibles. Communication terre-mer, efficacité opérationnelle des terminaux et des sites industriels, monitoring environnemental… Pour imaginer les futurs possibles de la 5G sur un terrain industriel aussi stratégique, entretien avec Baptiste Maurand, directeur du Port du Havre.
Depuis janvier 2018, vous êtes « Territoire d’innovation de grande ambition ».
En quoi le Port du Havre est-il un territoire propice à l’innovation et l’a-t-il toujours été ?
B. Maurand : Industries, institutions, universités, entreprises et start-up : le territoire havrais - et plus largement l’ensemble de la Vallée de la Seine - est un véritable vivier de talents et de ressources qui lui permet d’être laboratoire d’innovation et territoire d’influence. A l’horizon 2030, ces partenaires visent une transformation profonde de ce territoire qui ouvre le premier bassin de production et de consommation national sur la mer et le monde. La place havraise sait et a su, au cours de son histoire, réunir les éléments propices à l’innovation : la connaissance, le savoir-faire, les compétences, les ressources et l’ambition de transformer sa vision en réalité.
Vous avez créé le 5G lab. Qu’est-ce que ce consortium ?
Ce consortium innovant, né dans le cadre du projet Smart Port City a pour objet de répondre aux grands enjeux portuaires, de contribuer à l’attractivité du port et de tout l’axe Seine, de faire du Havre un territoire portuaire de référence pour sa capacité à innover et d’inventer des usages au service des clients pour être toujours plus compétitif. Ainsi, le collectif 5G Lab a vocation à identifier, déployer, faciliter et valoriser la 5G par le biais de cas d’usages innovants et réplicables, répondant aux besoins de ses usagers. A terme, ce nouveau réseau sera une infrastructure incontournable pour réaliser la digitalisation des activités portuaire, et de façon générale les projets du Territoire d’Innovation (TI) « Smart Port City ».
Premier cas d’usage de la 5G : un plan d’eau connecté ?
Parmi les missions du Port du Havre, figure bien sûr celle d’accueillir les navires dans les meilleures conditions notamment en termes de sécurité et efficacité. La 5G offre ici des perspectives intéressantes : elle permet d’optimiser des opérations de dragage (indispensable à la circulation sécurisée des navires) et de recueillir une multitude de données en temps réel sur les conditions de navigation et sur les fonds marins pour préparer les escales et le placement des navires à quai. En fluidifiant la chaîne de traitement et d’acquisition de données, la 5G optimise la longue chaîne d’intervenants qui organisent l’accueil du navire. Elle offrirait en outre aux marins qui interviennent ou sont en attente sur le plan d’eau, une connectivité comparable aux services terrestres et cette dimension humaine est importante également.
Quelle est la place de l’énergie dans vos réflexions ?
De nombreux projets sont en cours d’étude sur la place portuaire et industrielle, sur les questions d’alimentation, à quai, d’hydrogène, de photovoltaïque, et avec la 5G, de gestion intelligente de l’énergie. Une des premières expérimentations du 5G Lab, plus particulièrement portée par EDF, porte sur la mise en place d’un microgrid (micro réseaux énergétiques intelligents et décentralisés, Ndlr) à l’échelle d’un bâtiment logistique : panneaux photovoltaïques, bornes de recharge de véhicules électriques, batteries de stockage, pilotage du réseau avec les possibilités offertes par la 5G (équilibrage du réseau, pilotage, optimisation des déplacements véhicules…).
Quelle est l’importance des données dans l’industrie ?
L’importance croissante de la donnée est une conséquence directe de la digitalisation des activités, qui touche les processus de production, de gestion des bâtiments, d’organisation de logistique, la relation clients… Il faut savoir gérer à la fois la collecte, le formatage, la valorisation des données, le tout dans un contexte où les volumes croissent de façon très significative, comme par exemple dans le cas où l’entreprise se dote d’un jumeau numérique ! La 5G permettra de mettre en place un très grand nombre d’objets connectés qui suivront les activités à l’échelle d’un simple bâtiment, d’un terminal portuaire ou de toute la circonscription du port, soit la taille de Paris. L’accès direct aux données, sans contraintes de volume, permettra de travailler en temps réel, par exemple pour la maintenance en réalité augmentée ou la réalisation de diverses interventions à distance.
Y a-t-il déjà des pistes, des besoins, des ambitions ?
Édouard Philippe, maire du Havre et président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, évoquait « l’invention de nouveaux usages ».
Les cas d’usages identifiés par le 5G Lab sont le résultat d’une démarche de co-construction avec les entreprises locales qui ont été interrogées sur leurs grands enjeux opérationnels. L’objectif des pilotes qui vont être mis en place, dans le cadre de partenariats avec les entreprises, est précisément de valider l’intérêt de ces nouveaux usagers, à la fois du point de vue technique et financier. Les principaux terrains d’expérimentations sont relatifs à la communication terre-mer, à l’efficacité opérationnelle des terminaux et des sites industriels, et au monitoring environnemental. De façon transverse, on validera les apports de la 5G sur des questions comme la maintenance préventive et prédictive, la réalité augmentée, la redondance des systèmes, la sécurisation des mobilités et des travailleurs... les sujets ne manquent pas. L’ambition est d’arriver à terme à déployer des services innovants qui seront un facteur d’attractivité pour notre territoire et de compétitivité pour nos entreprises.