Mais que font ces robots livreurs dans le centre-ville de Montpellier. Twinswheel, entreprise française de véhicules autonomes, développe depuis six ans ses robots et est aujourd’hui la seule entreprise à expérimenter sa technologie sur le terrain. Où en est l’industrie et qu’est-ce que la 5G peut lui apporter ? On en discute avec Vincent Talon, co-fondateur de l’entreprise basée dans le Lot.
Comment a démarré Twinsheel ?
On a commencé à développer les robots en 2014, pour des besoins dans nos usines de production de pièces automobiles et aéronautiques, du côté de Toulouse. En 2016, on s’est posé la question du marché hors de notre usine, notamment pour faire de la livraison du dernier kilomètre en ville. La Poste a trouvé notre travail intéressant et nous a emmené au CES à Las Vegas en 2017. C’était la première fois que l’on montrait nos robots au grand public.
Depuis, on développe des nouvelles versions pour nos clients. On a des briques communes et on joue aux Lego avec nos robots.
Qui sont vos clients ?
On a trois segments de clientèles. Le premier c’est le site fermé : Renault, Nissan, Framatome, Siemens, Cdiscount et la SNCF.
Ensuite, nous avons les sites semi-ouverts comme les hôpitaux, les aéroports et les gares. Nous développons cela essentiellement aux États-Unis, dans le Michigan.
Enfin, on a la livraison du dernier kilomètre en ville, avec trois grandes catégories :
- Aider les personnes à mobilité réduite, personnes âgées, handicapées, à retourner faire leurs courses avec des robots suiveurs – des sortes de caddies qui portent leurs courses dans le magasin et jusqu’à chez elles. On le développe avec Franprix
- L’aide aux techniciens en ville et aux artisans. Pour éviter d’entrer dans la ville avec une camionnette Diesel, ils prennent le métro avec les robots qui les suivent toute la journée et portent l’outillage et les pièces de rechange. On développe cela essentiellement dans des villes du sud-ouest de la France avec des artisans qui interviennent pour la réparation du réseau électrique dans les centres villes. Ils évitent les bouchons, les problèmes de places pour se garer et les robots sont stockés au pied de l’immeuble dans lesquels ils doivent intervenir, ce qui évite de se balader avec 60 kilos de paquetage sur le dos, lorsqu’on est garé à 500 mètres de l’intervention.
- Enfin, la livraison en ville, avec la livraison de colis ou de produits frais, que l’on développe avec La Poste et Steph, le leader européen du transport frigorifique. Ici, la question est de proposer parmi toutes les solutions - les vélos cargos, les vélos électriques, … - des solutions pour approvisionner les magasins du centre ville ou les bureaux de poste, sans entrer avec une camionnette diesel. On expérimente à Montpellier, où le centre-ville est complètement piéton.
Est-on dans une technologie expérimentale ?
Le mode semi-autonome, collaboratif, donc « follow me », lorsque le robot suit une personne, est autorisé, toléré.
Pour le mode 100 %, nous sommes en phase d’expérimentation. Nous sommes la seule entreprise en France à être autorisée à faire rouler des véhicules autonomes de fret en ville. Notre terrain d’expérimentation est le centre-ville de Montpellier.
Qu’est-ce que ça va changer pour la 5G ?
La 5G n’est utilisée que pour les véhicules autonomes. En semi autonome, le maître est la personne responsable du robot et est devant. La 4G suffit.
En autonome, pour des raisons de sécurités, nous avons un safety driver, une personne qui peut reprendre la main sur le robot à chaque instant s’il détecte un risque d’incident.
On a besoin de temps de réponse ultra-court. On a aussi besoin d’une bande passante assez élevée parce qu’on remonte de la data du robot vers le réseau. Ces données sont du flux vidéo, des caméras, des lidars, des capteurs ultra-sons... tous les capteurs qui permettent au robot de percevoir son environnement. On a aussi besoin d’une bande passante relativement réservée pour éviter que la personne qui charge son film sur Netflix à côté devienne prioritaire et stoppe le robot ou le mette dans un mode dégradé. Enfin, on a besoin d’un temps de latence la plus réduite pour pouvoir interagir le plus vite possible.
Grosso modo, on a besoin de la 5G pour créer le jumeau numérique du robot et le déplacer en toute sécurité lorsqu’on prend la main sur lui à distance.
Comment l’industrie des véhicules autonomes aborde-t-elle la 5G ?
On fait tout pour que nos robots soient sécuritaires sans la 5G, sans liaison, parce qu’on sait qu’à des moments on va avoir des coupures de réseaux. La 5G est vu comme un capteur supplémentaire qui rend cette sûreté de fonctionnement un peu plus optimale.
De quelle façon avez-vous collaboré avec Orange ?
Nous avons monté avec Orange et Nokia, pour le Mobile World Congress de Barcelone en février 2019, une démonstration où l’on pilotait un robot sur le site de Nokia à côté de Paris grâce à la 5G. Le robot avait un circuit autonome et on montrait qu’en cas d’obstacle le robot s’arrêtait et que le safety driver à Barcelone avait la possibilité de piloter à distance.
Vos expérimentations en terrain réel confirment-elles vos intuitions sur la 5G dans le domaine du véhicule autonome ?
Il va falloir passer sur la 5G industrielle, celle réservée pour des protocoles de sécurité, pas sur celle grand public comme celle qui commence à être distribuée.
Quelle est la suite pour vous ?
La suite, c’est le déploiement de flottes de robots en ville. Pour être sûrs du niveau de reprise en main, il nous faut la 5G.